En cas de poursuite pour abus des biens sociaux seule l’action sociale ut singuli est possible pour la perte de valeur des titres Chambre criminelle du 13 décembre 2000, 99-80.387

Qu’en effet, la dépréciation des titres d’une société découlant des agissements délictueux de ses dirigeants constitue, non pas un dommage propre à chaque associé, mais un préjudice subi par la société elle-même ;
D’où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois.
Chambre criminelle du 13 décembre 2000, 99-80.387

En cas de poursuites pour abus des biens sociaux, les associés, hors le cas d’exercice de l’action sociale ut singuli, ne peuvent demander à la juridiction correctionnelle réparation du préjudice résultant de la perte  ou de la baisse de valeur de leurs titres, ou de la perte des gains escomptés. En effet, la dévalorisation des titres d’une société découlant des agissements fautifs de ses dirigeants constitue, non pas un dommage propre à chaque associé mais un préjudice subi par la société elle-même.
Chambre criminelle du 13 décembre 2000, 99-80.387

 

Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mercredi 13 décembre 2000
N° de pourvoi: 99-80387 

REJET des pourvois formés par :

– X… Raynald, prévenu,

– Y… Félice, partie civile,

contre l’arrêt de la cour d’appel de Paris, 9e chambre, en date du 3 décembre 1998, qui a condamné le premier, pour abus de biens sociaux, à 50 000 francs d’amende et a débouté le second de ses demandes.

LA COUR,

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation proposé pour Raynald X…, pris de la violation des articles 437 de la loi du 24 juillet 1966, 485 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de base légale et défaut de réponse à conclusions :

 » en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Raynald X… coupable d’abus de bien social au préjudice de la société SDL et l’a condamné à la peine de 50 000 francs d’amende ;

 » aux motifs qu’il ne peut être contesté que le moule servant à la fabrication des fonds platine par la société Jeher était la propriété de la société SDL ; que cette société l’avait acquis au prix de 80 000 francs le 17 mai 1988, suivant facture jointe à la procédure ; qu’en outre, ce matériel figurait au bilan de la société dans les immobilisations ; que le fait que ce bien ait été intégralement amorti était sans incidence sur sa valeur d’usage ; qu’il est établi par les déclarations de Paul Z…, président du conseil d’administration de la société Jeher, par les bons de commande émanant de la société Data Process, et par un courrier adressé le 28 juillet 1994 par la société Jeher à Félice Y…, que la société Jeher avait vendu, à compter du mois de janvier 1993, à la société BRL et à la société Data Process, respectivement 230 et 1 477 fonds platine ; que les allégations de Raynald X… selon lesquelles la société Jeher aurait fabriqué et livré les fonds de balance de sa propre initiative, sont contredites par le témoignage de Paul Z… qui affirme avoir reçu des instructions de Raynald X… pour continuer à produire des fonds de balance avec les moules SDL et pour expédier la production des fonds platine à la société Data Process ; que ce témoin a produit un courrier en date du 29 juillet 1993 par lequel Raynald X… demandait à la société Jeher d’envoyer l’outillage en Italie car, écrivait-il, le marché était trop restreint et qu’il fallait des prix plus bas ; que le témoin a également versé au dossier sa réponse en date du 4 août 1993 rappelant que la société Jeher était dépositaire exclusif de l’outillage et demandant à ce que cette société continue à fabriquer les fonds platine ; qu’en outre, figure sur les bons de commandes adressés par la société Data Process à la société Jeher sous la rubrique  » référence  » le nom du prévenu, ce qui démontre le rôle tenu par celui-ci dans les relations commerciales entre les sociétés Jeher et Data Process ; que, pour relaxer Raynald X…, les premiers juges ont estimé que l’élément matériel du délit d’abus de bien social n’était pas établi au motif que le prévenu n’avait aucun lien direct ou indirect avec la société Data Process, bénéficiaire des pièces fabriquées par la société Jeher ; mais considérant que la société Data Process était la société mère de la société SDL ;

 » qu’à l’audience de la Cour, le prévenu a lui-même reconnu :  » en quelque sorte, la société Data Process était mon employeur  » ; que Raynald X… avait donc un intérêt personnel, d’ordre professionnel à faire bénéficier la société Data Process de la production de la société Jeher ; que, grâce à ce processus, la société Data Process pouvait fabriquer des balances sans avoir à payer des frais d’études, ni de réalisation de moules ; qu’en l’état de ces énonciations, il est établi que Raynald X…, président du conseil d’administration de la société SDL, a mis gratuitement à la disposition de la société Jeher un bien dont la société SDL était propriétaire, en l’espèce l’outillage destiné à la fabrication des fonds platine de balance, dans le but de favoriser la société Data Process qu’il considérait comme son employeur ;

 » alors, d’une part, que l’usage des biens sociaux d’une société faisant partie d’un groupe doit se concevoir en prenant en considération l’intérêt du groupe ou des sociétés dépendant de ce groupe ; qu’en estimant que le délit d’abus de biens sociaux était constitué, tout en relevant que la société Data Process, bénéficiaire des pièces fabriquées par la société Jeher, était la société mère de la société SDL, dont il aurait été fait un usage abusif des biens sociaux, la cour d’appel, qui ne recherche pas si l’intérêt du groupe ne justifiait pas l’opération mise en cause, a privé sa décision de base légale au regard de l’article 437 de la loi du 24 juillet 1966 ;

 » alors, d’autre part, qu’en estimant que Raynald X… avait un  » intérêt personnel d’ordre professionnel à faire bénéficier la société Data Process de la production de la société Jeher « , au seul motif que le prévenu était le dirigeant de la société SDL, filiale de la société Data Process, ce qui l’avait conduit à déclarer à l’audience qu' » en quelque sorte, la société Data Process était mon employeur « , la cour d’appel, qui se prononce par un motif inopérant et ne caractérise nullement l’intérêt personnel qu’avait le prévenu dans l’opération mise en cause, a privé à nouveau sa décision de base légale au regard de l’article 437 de la loi du 24 juillet 1966  » ;

Attendu que, faute d’avoir été présenté devant les juges du fond, le moyen tiré de la justification de l’abus de biens sociaux reproché par l’intérêt du groupe, mélangé de fait, est nouveau et, comme tel, irrecevable ;

Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s’assurer que la cour d’appel a, sans insuffisance ni contradiction, caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu’intentionnels, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable ;

D’où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l’appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Sur le moyen unique de cassation proposé pour Félice Y…, pris de la violation des articles 437, 437-3, 460, 463 et 464 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966, violation de l’article 2 du Code de procédure pénale, violation de l’article 1382 du Code civil, du principe de la réparation intégrale, et méconnaissance des exigences de l’article 593 du Code de procédure pénale :

 » en ce que l’arrêt attaqué, après avoir reçu la constitution de partie civile de Félice Y…, débouta ce dernier au fond ;

 » aux motifs que Félice Y…, partie civile appelante, sollicite la condamnation de Raynald X… à lui payer les sommes suivantes : 1 500 000 francs à titre de dommages et intérêts, 15 000 francs sur le fondement de l’article 475-1 du Code de procédure pénale ; que Félice Y…, en sa qualité d’associé de la société SDL, invoque un préjudice matériel résultant, selon ses écritures, du non-remboursement de son compte courant créditeur d’un montant de 1 030 598, 47 francs, intérêts compris, et de la perte de valeur de son invention dans la société ; que la créance alléguée par la partie civile au titre de son compte courant est sans lien de causalité directe avec l’abus de bien social commis par Raynald X… ; qu’en outre, la société SDL a été condamnée, par un arrêt en date du 21 juin 1995 de la cour d’appel de Paris, à rembourser à Félice Y… le montant de son compte courant, étant de plus observé qu’il n’est pas démontré que la perte de valeur d’un investissement de la partie civile dans la société SDL découle directement des agissements délictueux du prévenu ;

 » alors que, d’une part, dans ses écritures très circonstanciées, la partie civile insistait sur le fait que la dilapidation des actifs de la société SDL en l’état des abus de biens sociaux imputables à son dirigeant, Raynald X…, avait été à l’origine de la liquidation judiciaire de ladite société laquelle, si elle avait remboursé tous ses autres créanciers, n’en fît pas de même à l’endroit de la partie civile qui, en l’état de la liquidation et de l’absence d’actif, n’a pu obtenir le montant de sommes importantes en sorte que c’était bien le comportement délictueux de Raynald X… constaté par la cour d’appel qui avait été à l’origine d’un préjudice spécifique tiré de l’impossibilité pour un créancier de recouvrer une créance fût-ce pour partie ; que ce préjudice spécifique était directement lié aux abus de biens sociaux déplorés et reconnus par les juges du fond ; qu’en déboutant cependant la partie civile à partir d’une simple affirmation, à savoir que la créance alléguée au titre du compte courant est sans lien de causalité directe avec l’abus de bien social déploré, la Cour méconnaît les exigences de l’article 593 du Code de procédure pénale ;

 » alors que, d’autre part, le fait que la société SDL ultérieurement mise en liquidation judiciaire ait été condamnée par un arrêt de la cour d’appel de Paris à rembourser Félice Y… du montant de son compte courant, soit une somme de 864 906, 55 francs est sans emport par rapport à la question posée au juge pénal :

l’abus de bien social ayant conduit au dépôt de bilan de la société fit que celle-ci n’ayant plus aucun actif, la créance ressortant de l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 21 juin 1995 est restée irrecouvrable, d’où le préjudice direct souffert par la partie civile en l’état du comportement délictueux de Raynald X… ; qu’en statuant comme elle l’a fait sur le fondement de motifs inopérants, la Cour ne justifie pas légalement son arrêt au regard des textes cités aux moyens ;

 » et alors, enfin, qu’en sa qualité d’associé de la société SDL, Félice Y… subissait nécessairement un préjudice lié à la dilapidation de l’outillage destiné à la fabrication de balances en sorte que l’abus de bien social avait directement conduit à l’appauvrissement de la société SDL et donc aux dommages soufferts par son associé, Félice Y…, à hauteur de 30 %, lequel a perdu tous les investissements faits (cf. 18 et 19 des conclusions d’appel) ; qu’en affirmant qu’il n’était pas démontré que la perte de valeur de l’investissement de la partie civile découle directement des agissements délictueux du prévenu cependant qu’il ressortait de l’arrêt lui-même que le prévenu avait dilapidé l’actif de la société SDL, la Cour ne justifie pas légalement son arrêt au regard des textes cités au moyen  » ;

Attendu que, pour débouter Félice Y…, actionnaire de la société SDL, de sa demande en dommages-intérêts fondée, d’une part, sur le non-remboursement de sa créance en compte courant et, d’autre part, sur la perte de son investissement dans le capital de la société, l’arrêt énonce que la créance alléguée par la partie civile au titre de son compte courant est sans lien de causalité directe avec l’abus de bien social commis par Raynald X… et qu’il n’est pas démontré que la perte de valeur d’un investissement de la partie civile dans la société SDL découle directement des agissements délictueux du prévenu ;

Attendu qu’en l’état de ces énonciations, la cour d’appel a justifié sa décision ;

Qu’en effet, la dépréciation des titres d’une société découlant des agissements délictueux de ses dirigeants constitue, non pas un dommage propre à chaque associé, mais un préjudice subi par la société elle-même ;

D’où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois.


 

L’associé d’une victime d’abus des biens sociaux agissant à titre personnel est irrecevable à se constituer partie civile sauf à démontrer l’existence d’un préjudice propre Pourvoi 12-80387

L’associé d’une victime d’abus des biens sociaux, n’exerçant pas l’action sociale mais agissant à titre personnel, est irrecevable à se constituer partie civile sauf à démontrer l’existence d’un préjudice propre, distinct du préjudice social, découlant directement de l’infraction.
Crim. 5 juin 2013 – N° de pourvoi: 12-80387
AJ pénal 2013. 674, obs Gallois

Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mercredi 5 juin 2013
N° de pourvoi: 12-80387

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :


– M. Jean-Pierre X…,


contre l’arrêt de la cour d’appel d’AIX-EN-PROVENCE, 5e chambre, en date du 13 décembre 2011, qui, pour abus de biens sociaux, l’a condamné à trois mois d’emprisonnement avec sursis, 20 000 euros d’amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 241-3 du code de commerce, 388, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs et manque de base légale ;

« en ce que l’arrêt confirmatif attaqué a déclaré M. X… coupable d’abus de biens sociaux, l’a condamné à trois mois d’emprisonnement avec sursis ainsi qu’à une amende de 20 000 euros, et a prononcé sur les intérêts civils ;

« aux motifs que les premiers juges, pour entrer en voie de condamnation à l’encontre de M. X…, ont retenu que la somme de 119 600 euros ne reposait sur aucune justification, que l’importance de la somme était susceptible de compromettre l’équilibre comptable de la société CPM qu’il disait lui-même exsangue, que le fait de favoriser un partenaire Sud investissement lui avait permis de maintenir des relations commerciales qui lui sont nécessaires, dans le cadre de son activité personnelle d’agent commercial ; que l’explication fournie par l’appelant selon laquelle, il se serait agi d’un montage imposé par le vendeur, le gérant de la SCI venderesse étant la même personne que le représentant légal de la SCI Sud investissement SARL, est à considérer en rapport avec le fait que le montant de la rémunération est celui-là même qui avait été convenu avec la SCI Moderne, acquéreur, dans le mandat de recherche par principe établi avant la transaction ; que quoiqu’il en soit, le montant inhabituellement important de cette rémunération, de l’ordre de 30% du prix de vente, par rapport aux honoraires de négociation d’un agent immobilier, et en l’occurrence plus de 50% du chiffre d’affaire annuel de la SARL, signe une opération anormale dans laquelle la société CPM au nom de laquelle elle est mise pour sa totalité n’a d’intérêt véritable que réduit, 31 500 euros hors taxe sur 131 500 euros hors taxe, dont 18 900 euros hors taxe iront à M. X… par voie de rétrocession soit 12 600 euros hors taxe restant à la société, mais dont il n’a qu’esquissé les ressorts ; que le fait de prêter la société dont il est le gérant et ses comptes à une opération qui est étrangère à son objet et qui présente tous les caractères d’une dissimulation selon les explications fournies n’est pas sans conséquence ni risque pour celle-ci, fiscal notamment, ce qui suffit à caractériser le délit reproché ; que l’intérêt personnel recherché est avéré en l’occurrence où il en profite au moins pour s’attribuer 60% de la modeste part laissée à la société CPM pour le service rendu ;

1°) « alors que les juges du fond ne peuvent statuer que sur les faits dont ils ont été saisis ; que M. X… étant poursuivi du chef d’abus de bien social pour avoir, en sa qualité de gérant de la société CPM, fait verser par celle-ci une commission de 119 600 euros à la société Sud investissement, à l’occasion de la vente d’un immeuble à Toulon, la cour d’appel qui, déclarant confirmer la déclaration de culpabilité prononcée par les premiers juges, a retenu comme constitutif du délit incriminé par l’article L. 241-3 du code de commerce le fait que cette l’opération avec la société Sud investissement, aurait été étrangère à l’objet social de la société CPM et l’aurait exposée indûment à un risque d’ordre fiscal, ce qui serait constitutif d’un acte contraire à son intérêt social, a, en modifiant ainsi les termes de la prévention, statué sur des faits autres que ceux dont elle était saisie et a entaché sa décision d’excès de pouvoir ;

2°) « alors que, aux termes de l’article 593 du code de procédure pénale, encourt la nullité l’arrêt dépourvu de motifs ; que l’insuffisance ou la contradiction de motifs équivaut à leur absence ; qu’en l’espèce, la cour d’appel qui, pour entrer en voie de condamnation du chef d’abus de biens sociaux à l’encontre de M. X…, a retenu, sans autrement s’en expliquer, que l’opération présentement en cause et concernant une transaction portant sur un bien immobilier aurait été étrangère à l’objet de la société CPM, bien que l’activité de celle-ci consiste en l’exploitation d’un fonds de commerce de transaction immobilière, et que, par ailleurs, cette même opération l’aurait exposé indûment à un risque fiscal, sans davantage justifier du bien fondé de cette affirmation, n’a pas, en l’état de ses motifs entachés de contradiction et d’insuffisance, légalement justifié la déclaration de culpabilité prononcée de ce chef ;

3°) « alors que, en retenant que M. X… aurait poursuivi un intérêt personnel en cherchant à favoriser la société Sud investissement, partenaire utile dans l’exercice de son activité d’agent commercial, sans aucunement répondre aux conclusions de celui-ci faisant valoir que c’était la seule opération qu’il avait eu à traiter avec cette société et qu’il ne recherchait alors que l’intérêt de la société CPM laquelle avait effectivement été commissionnée, la cour d’appel, qui a entaché sa décision d’un défaut de réponse, n’a pas davantage caractérisé la volonté de M. X… de poursuivre un intérêt contraire à celui de la société dont il était le gérant ;

Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué et du jugement qu’il confirme mettent la Cour de cassation en mesure de s’assurer que la cour d’appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu’intentionnel, le délit d’abus de biens sociaux dont elle a déclaré le prévenu coupable ;

D’où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l’appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être accueilli ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 241-3 du code de commerce, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs et manque de base légale ;

« en ce que l’arrêt infirmatif attaqué, statuant sur l’appel des parties civiles, a déclaré que les trois rétrocessions d’honoraires faites par la société à M. X… caractérisaient des abus de bien sociaux puis a prononcé sur les intérêts civils et a condamné M. X… à verser des dommages-intérêts au profit de Mme Y… et de Me Z… ès qualités de mandataire judiciaire de la société ;

« aux motifs que sur l’appel des parties civiles et quoique la décision de relaxe partielle soit irrévocable sur l’action publique, la cour est tenue de rechercher, pour les besoins des seules actions civiles, si les éléments de l’infraction existaient néanmoins ou non ; que les premiers juges, pour entrer en voie de relaxe partielle ont retenu que M. X… avait agi comme apporteur d’affaires et qu’il n’était pas démontré que ce fût de mauvaise foi qu’il avait facturé une rétrocession d’honoraires ; que c’est en vain que, s’agissant soit de la rémunération du gérant d’une SARL soit de conventions entre la société et celui-ci, l’appelant prétend se prévaloir de la liberté des preuves en matière commerciale alors que précisément, ces deux aspects des relations du gérant avec la SARL relèvent des décisions formelles de l’assemblée des associés ; qu’il est patent qu’en se faisant rétrocéder par la société dont il était le gérant et sans le support de la moindre délibération, la plus grosse partie, jusqu’à 80%, de la commission facturée par celle-ci au vendeur, que ce soit lui-même, une société qu’il contrôle ou un tiers, M. X… a sciemment poursuivi son intérêt personnel au préjudice de celui de la société dont la rémunération de l’intervention se trouvait réduite à la portion congrue alors même que selon ses propres déclarations, elle était jusqu’alors exsangue et en effet, déficitaire à la fin de l’exercice précédent et qu’elle l’est de façon tellement structurelle qu’il parviendra par la suite à la faire mettre en liquidation judiciaire pour une dette de 1 603 euros ; que, c’est à bon droit, et par une juste appréciation des faits que les parties civiles soutiennent que M. X…, qui souligne dans ses explications qu’il était gérant non rémunéré, ne pouvait pas de bonne foi se rémunérer indirectement de sa propre autorité et au mépris des règles statutaires par des ponctions habituelles d’une telle importance, injustifiables par les relations d’un agent immobilier ou d’un agent commercial oeuvrant habituellement pour lui dès lors qu’il ne pouvait sans commettre un abus cumuler les deux qualités ; que les éléments de l’infraction poursuivie sont donc réunis ;

1°) « alors que, en l’état de ces énonciations dont il ressort que les rétrocessions d’honoraires perçues par M. X… l’ont été pour trois opérations immobilières apportées par ses soins à la société CPM, la cour d’appel qui, par là même retient implicitement mais nécessairement l’existence d’une contrepartie à ces rétrocessions, n’a pas dès lors caractérisé la matérialité d’un abus des biens et du crédit de la société CPM, matérialité que ne saurait davantage établir la simple constatation du taux de ladite rétrocession, faute de toute précision quant à la détermination de la commission de base comme sur les usages relatif au montant de la rémunération de l’apporteur d’affaire ;

2°) « alors qu’il ne peut y avoir d’abus de bien social qu’autant que l’acte considéré était contraire à l’intérêt social ; que, dès lors, faute d’avoir répondu à l’argument péremptoire des conclusions de M. X… faisant valoir que les trois opérations en cause avait bénéficié à la société CPM dont le chiffre d’affaire réalisé en 2005 avait augmenté de 194 741 euros passant de 26 403 euros en 2004 pour atteindre 221 144 euros en 2005, que le bénéfice réalisé cette même année s’élevait à 5 270 euros alors que 2004 avait connu un déficit de 11 476 euros, la cour d’appel n’a pas caractérisé l’atteinte portée à l’actif social de la société CPM par les trois opérations en cause, privant ainsi sa décision déclarant constitué le délit d’abus de biens sociaux de toute base légale ;

3°) « alors que l’élément intentionnel requis en matière d’abus de bien social supposant la conscience chez le dirigeant du caractère contraire à l’intérêt social des actes qui lui sont reprochés, la cour d’appel, dont les énonciations établissent l’existence d’un profit réalisé par la société CPM au travers les trois opérations en cause menées à l’initiative de ce gérant, n’a dès lors pas justifié de la mauvaise foi de ce dernier » ;

Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s’assurer que la cour d’appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, caractérisé une faute résultant des faits poursuivis à l’encontre du prévenu, et a ainsi justifié l’allocation de l’indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ;

D’où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l’appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être accueilli ;

Mais sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 2, 3, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

« en ce que l’arrêt infirmatif attaqué, statuant sur les intérêts civils, a déclaré recevable la constitution de partie civile de Mme Y…, associée majoritaire de la société CMP, et a condamné M. X… coupable d’abus de biens sociaux au préjudice de cette société, à verser à Mme Y… des dommages-intérêts au titre de son préjudice moral ;

« aux motifs que, l’action civile en réparation du dommage causé par un délit n’est ouvert devant la juridiction répressive qu’à ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l’infraction ; que le détournement, par le gérant d’une SARL, des fonds de cette société n’occasionne un préjudice actuel, direct et certain qu’à la société dont le patrimoine est atteint ; que l’action civile du chef de ce détournement n’est par conséquent ouverte qu’à la société ; que, c’est à bon droit, que le tribunal a déclaré la constitution de partie civile de Mme Y… irrecevable, à raison du préjudice matériel occasionné qui n’atteint que la société ; qu’en revanche, Mme Y… est recevable à prétendre à la réparation d’un préjudice moral personnel ; qu’il lui incombe d’en faire la preuve et de sa relation de causalité directe et certaine avec les infractions ; qu’elle y est, en l’occurrence, fondée où il est suffisamment démontré que la SARL dont elle était associée majoritaire à 98% a été utilisée par le gérant quasi exclusivement à son profit, étant ici précisé qu’il avait déplacé le siège social pour l’implanter dans des locaux lui appartenant et dont il percevait les loyers, et que par les abus caractérisés, il a directement et essentiellement contribué à maintenir la société dans l’état de difficultés financières auxquelles elle a dû faire face ; que l’appelante est fondée à soutenir que les abus de biens sociaux ont été générateurs pour elle d’un préjudice moral, lequel sera complètement réparé par une indemnité de 7 500 euros ;

1°) « alors que le délit d’abus de biens sociaux en ce qu’il a pour finalité la protection de la personne morale, de son patrimoine et de son crédit, n’occasionne de dommage personnel et direct quelle qu’en soit la nature, qu’à la société elle-même et non à chacun de ses associés ou actionnaires ; que le prétendu préjudice moral invoqué par Mme Y… associée majoritaire de la SARL CPM à raison d’abus de biens sociaux commis au préjudice de cette société ne présentant pas de caractère direct avec ces agissements infractionnels, la décision de la cour d’appel allouant néanmoins réparation de ce chef s’avère privée de toute base légale ;

2°) « alors que la cour d’appel qui, après avoir rappelé que Mme Y…, partie civile, était irrecevable à demander réparation d’un préjudice matériel dont seule la société était directement et personnellement victime, retient à l’appui de sa décision allouant réparation à la partie civile Mme Y…, associée majoritaire de la société, le fait que les agissements de M. X… auraient directement et essentiellement contribué à maintenir la société dans une situation de difficulté financière à laquelle cette partie civile avait du faire face, l’ensemble d’éléments caractérisant un préjudice financier et donc matériel et en aucune façon d’un préjudice moral, n’en a que d’avantage entaché sa décision d’erreur de droit et de contradiction » ;

Vu l’article 2 du code de procédure pénale, ensemble l’article L. 223-22 du code de commerce ;

Attendu que l’associé d’une société victime d’un abus de biens sociaux, exerçant non l’action sociale mais agissant à titre personnel, est irrecevable à se constituer partie civile, sauf à démontrer l’existence d’un préjudice propre, distinct du préjudice social, découlant directement de l’infraction ;

Attendu que, pour déclarer recevable la constitution de partie civile de Mme Y…, actionnaire majoritaire de la société CPM, et lui allouer la somme de 7 500 euros, l’arrêt attaqué énonce que sa demande tend à la réparation du préjudice moral personnel résultant pour elle, d’une part, de l’utilisation quasi-exclusive de la société CPM par le prévenu, à son profit, et, d’autre part, de l’état de difficulté financière dans lequel s’est trouvée ladite société en raison des abus caractérisés imputés au prévenu ;

Mais attendu qu’en prononçant ainsi, la cour d’appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés et du principe ci-dessus rappelé ;

D’où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE, par voie de retranchement, l’arrêt susvisé de la cour d’appel d’Aix-en-Provence, en date du 13 décembre 2011, en ce qu’il a déclaré recevable la constitution de partie civile de Mme Y… et a statué sur ses demandes, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

DIT n’y avoir lieu à renvoi ;

DIT n’y avoir lieu à application de l’article 618-1 du code de procédure pénale ;

ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d’appel d’Aix-en-Provence et sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le cinq juin deux mille treize ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Ract-Madoux conseiller rapporteur, M. Dulin conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

 

Absence de préjudice, absence d’action, Cour de cassation 03-82851 du 9 mars 2004

Dès lors que la partie civile ne peut alléguer aucun préjudice, les juges du fond doivent constater qu’elle n’est pas recevable à se constituer partie civile et à mettre l’action civile en mouvement.
Crim. 9 mars 2004
Bull. crim. n° 61 ; JCP 2004. IV. 1957.

 

Absence de préjudice, absence d’action. Dès lors que la partie civile ne peut alléguer aucun préjudice, les juges du fond doivent constater qu’elle n’est pas recevable à se constituer partie civile et à mettre l’action publique en mouvement.

 

Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mardi 9 mars 2004
N° de pourvoi: 03-82851

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le neuf mars deux mille quatre, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller PALISSE, les observations de la société civile professionnelle BOUZIDI et BOUHANNA, de Me CHOUCROY, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général FRECHEDE ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

– X… Louis, partie civile,

contre l’arrêt de la cour d’appel de BORDEAUX, chambre correctionnelle, en date du 26 mars 2003, qui a déclaré irrecevable sa constitution de partie civile après relaxe du GROUPEMENT FONCIER AGRICOLE DES VIGNOBLES DE LA BARONNE PHILIPPINE DE Y…, de la SOCIETE BARON PHILIPPE DE Y… et de Philippine de Y… des chefs d’usurpation de titre et de complicité de ce délit ;

Sur la recevabilité du pourvoi, contestée en défense ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure qu’à la demande du groupement foncier agricole des vignobles de la baronne Philippine de Y… et de la société baron Philippe de Y…, le tribunal de grande instance a annulé plusieurs marques de vins déposées par Louis X…, qui comportaient le mot « mouton » et contrefaisaient les marques « Château Mouton Y… » et « Mouton Cadet » dont les premiers sont propriétaires ;

Que le litige ayant été porté devant la cour d’appel, Louis X… a fait citer devant le tribunal correctionnel les demandeurs dans l’instance civile, ainsi que Philippine de Y…, tous pour usurpation des titres de baron ou baronne et la dernière pour complicité de ce délit ; que les premiers juges ont renvoyé les prévenus des fins de la poursuite et ont déclaré irrecevable la constitution de partie civile de Louis X… ; que la cour d’appel a confirmé ce jugement ;

Mais attendu que, Louis X… ne pouvant alléguer aucun préjudice susceptible de découler directement de l’usage prétendument irrégulier des titres de baron ou baronne par les personnes morales et physique poursuivies, les juges du fond auraient dû constater qu’il n’était pas recevable à se constituer partie civile et à mettre en mouvement l’action publique ;

D’où il suit que le pourvoi, lui-même, n’est pas recevable ;

Par ces motifs,

DECLARE le pourvoi IRRECEVABLE ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article L.131-6, alinéa 4, du Code de l’organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Palisse conseiller rapporteur, M. Farge conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;